Les Chants de la Terre
À l'occasion du 5ème anniversaire du Festival Un Temps pour Elles
Programme :
Rita Strohl (1865 - 1941)
Quand la flûte de Pan (1901)
[Sophie de Courpon]
I. Mouvement modéré
II. Vite
III. Assez lent
IV. Lent
V. Très mouvementé
VI. Assez lent
Maria Bach (1896-1978)
Wolgaquintett (1930)
I. Ruhig bewegt
III. Finale. Laufen lassen
Ethel Smyth (1858 - 1944)
Four Songs (1907)
I. Odelette [Henri François-Joseph Régnier]
II. La Danse [Henri François-Joseph Régnier]
III Chrysilla [Henri François-Joseph Régnier]
IV Ode Anacréontiquea [Charles Marie René Leconte de Lisle]
Lili Boulanger (1893 - 1918)
Dans l’immense tristesse (arr. Nadia Boulanger) (1916)
Arrangement pour voix, quatuor à cordes et harpes, Nadia Boulanger
Liza Lehmann (1862 - 1918)
Evensong (1916) [Constance Morgan]
If No One Ever Marries Me (1900) [Laurence Alma-Tadema]
The Lake Isle of Innisfree (1911) [William Butler Yeats]
When I Am Dead, My Dearest (1918) [Christina Rossetti]
The Guardian Angel (1898) [Edith Nesbit]
Amy Beach (1867-1944)
Piano Quintet en fa dièse mineur op. 67 (1907)
Adagio - Allegro moderato
Adagio espressivo
Allegro agitato - Adagio come prima - Presto
Pan et ses forêts, les rives de la Volga, les mythes antiques, le deuil, les saisons : autant de paysages intérieurs et réels, traversés par les voix de six compositrices qui, chacune à leur manière, font entendre les Chants de la Terre.
Le voyage commence avec Quand la flûte de Pan de Rita Strohl. Écrite en 1901, cette œuvre incarne l’influence des courants symbolistes sur la compositrice, qui transpose ici l’idée de la nature comme reflet de l’âme humaine. Il s’agit d’un élément central dans l'œuvre de Strohl, comme l'attestent ses deux symphonies de la forêt et de la mer. Dans cette pièce, la flûte devient le moyen par lequel Pan, le dieu de la nature, semble murmurer aux oreilles des hommes. À travers ses six mouvements, la musique tisse des motifs qui créent une atmosphère de mystère et de beauté sauvage.
Maria Bach offre avec son Wolgaquintett une autre forme de dialogue intime avec la nature. Composée en 1930 et créée à Vienne, l’œuvre a également été jouée à Paris dans les années 1930-1931. On ignore toutefois si elle y a été rejouée depuis, ce qui en renforce la dimension rare et précieuse. Le choix du thème - la Volga - ancre l’œuvre dans un imaginaire d’une nature infinie. Le premier mouvement, Ruhig bewegt, lent et contemplatif, esquisse un paysage : une étendue sonore comme miroir d’un territoire sans limite. La compositrice, également influencée par le symbolisme, peint le fleuve de manière suggestive. Le dernier mouvement, Laufen lassen - que l’on pourrait traduire par « laisser couler » ou « laisser aller » - émerge comme un mouvement de danse enchanteur, concluant l'œuvre avec fougue.
L’exploration de la nature se poursuit dans les Four Songs d’Ethel Smyth, figure musicale majeure de l'Angleterre édouardienne. Avec cette œuvre, la compositrice démontre sa maîtrise des formes courtes autant que son aptitude à transformer un poème en théâtre intérieur.
Les Four Songs expriment chacune à leur manière un lien intime entre l’être humain et les forces du monde naturel. Odelette est une méditation sur l’amour, où les images de la rose épineuse et de la source amère rappellent combien la nature peut incarner la douleur des sentiments. La Danse, tel un tableau d’automne, prend place parmi les cyprès, les pins, l’orme ou le frêne et traduit le mouvement perpétuel de la vie. Chrysilla évoque l’acceptation douce de la mort, imaginée comme une fontaine qui pleure, un retour apaisé au cycle naturel. Enfin, l’Ode anacréontique éclate dans une ivresse exaltée, empruntant à l’Antiquité des figures mythologiques en délire – Hercules, Ajax, Oreste – pour mieux célébrer une fureur joyeuse, non de guerre mais de vin !
Dans l’ultime mélodie qu’elle compose en 1916, Dans l’immense tristesse, Lili Boulanger semble pressentir sa propre disparition. Sur un poème empreint de deuil et de tendresse, elle évoque une mère morte qui revient consoler son enfant dans un cimetière, entre rêve, vision et résignation. La terre y devient doublement matrice : lieu d’ensevelissement, mais aussi espace où se prolonge l’amour. La musique épouse avec pudeur la gravité du texte, dans une écriture suspendue et déchirante. La mélodie est ici donnée dans l’arrangement fait par sa sœur, Nadia Boulanger, pour voix, quatuor à cordes et harpe. Le texte n’est plus le même dans cette nouvelle version, et l’on peut supposer qu’il évoque désormais le deuil de sa petite sœur, morte en 1918.
Avec ses mélodies vives ou méditatives, empreintes d’humour ou de ferveur, Liza Lehmann déploie une voix singulière, toujours habitée par une attention aux textes et à leurs inflexions. Cantatrice acclamée avant de devenir compositrice, elle fait entendre dans ses pages un sens profond de la ligne vocale. Ses poèmes choisis sont peuplés de présences invisibles : - anges veilleurs, souvenirs flottants, êtres aimés absents ou espérés - mais sont également peuplés de nombreux animaux : agneau, poney, abeilles, rossignol… Dans Evensong ou The Guardian Angel, la nuit devient espace protecteur, où le silence bruisse d’ailes blanches. The Lake Isle of Innisfree et When I am dead, my dearest, font de la nature un refuge intérieur, un paysage apaisé.
Quand Amy Beach compose son quintette en fa♯ mineur, elle n’a plus rien à prouver. Depuis la création triomphale de sa Gaelic Symphony, elle est déjà une figure respectée dans un monde encore réticent à accueillir des femmes à la table des compositeurs « sérieux ». Elle écrit ce quintette non pas pour revendiquer une place - qu’elle a déjà conquise - mais pour y inscrire sa voix singulière, avec une intelligence formelle et une profondeur émotionnelle. Dans ce Quintetteaux contours tantôt sombres, tantôt lumineux, Amy Beach fait chanter une terre intérieure : tourmentée, intime, tellurique. Dès les premières mesures, le ton est donné : cette œuvre sera dramatique, dense, tissée d’élans et de replis, de lignes irrégulières et de contrastes lyriques. Amy Beach respecte avec une maîtrise souveraine les grandes architectures classiques. Mais à l’intérieur de cette structure, tout est liberté. Lorsque Beach part en tournée avec le Quatuor Kneisel en 1916-1917, elle incarne cette œuvre en l’interprétant elle-même. On salue la modernité de sa voix, cette manière de conjuguer la densité orchestrale et l’intimité chambriste, la tradition et l’audace.
À l’heure où nous interrogeons nos liens à la terre - celle que l’on habite, celle que l’on perd, celle que l’on porte en soi - les œuvres réunies ce soir donnent voix à des paysages multiples : géographiques, intimes, rêvés. Ces œuvres ne décrivent pas la nature : elles l’incarnent, la traversent, l’inventent parfois. Elles disent l’enracinement et l’arrachement, la matière et le souffle.
Marielou Jacquard, mezzo-soprano
Lucile Richardot, mezzo-soprano
Clémence de Forceville, violon
Raphaëlle Moreau, violon
Violaine Despeyroux, alto
Héloïse Luzzati, violoncelle
Anastasie Lefebvre de Rieux, flûte
Constance Luzzati, harpe
Rodolphe Théry, percussions
Anne de Fornel, piano
David Kadouch, piano
Célia Oneto Bensaid, piano
Coréalisation Cité des compositrices
La Cité des Compositrices est soutenue par le Ministère de la Culture, la DRAC Île-de-France, la Région Île-de-France, le département du Val d’Oise, la Ville de Paris, le Centre national de la Musique, la Caisse des Dépôts (mécène principal de l’association), la Fondation Orange, la Fondation Lazard Frères gestion, la Fondation d’entreprise Société Générale et les Elles by Contrex.
Tarifs
Tarif plein |
Tarif réduit 1 * |
Tarif réduit 2 ** |
Tarif jeune *** |
Tarifs abonnés
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* Tarif réduit (1) : + de 65 ans, demandeur d’emploi, sur présentation d’un justificatif et tarif groupe (à partir de 10 personnes)
** Tarif réduit (2) : Tarif RSA et minima sociaux, sur présentation d’un justificatif
*** Tarif jeune : − 26 ans, élève d'école de théâtre, sur présentation d’un justificatif