DU 18 OCTOBRE AU 29 OCTOBRE 2011
ENTRE 10H00 ET 16H00
" À la naissance de mon grand-père on annonçait déjà la mort de la peinture. À ma naissance la peinture était morte à plusieurs reprises : comme dans les films de Dracula où l’on montre sa mort avec grands effets de bruit et de fureur, de tambours et de fumée… puis rien : elle meurt mais elle est toujours là. On ne voit jamais sa résurrection. Ça a fini par donner une étrange nature spectrale à cet art vénérable : la peinture, sépulcre sans repos, errante d’ici de là, sans jamais trouver où se poser. Sans support et sans cimaise telle la peau flasque de Michelangelo. Toujours là et toujours agitée. Je veux une peinture que, comme la peau d’une seiche, soit pourvue de chromatophores (Cthulhu), que tantôt soit invisible, tantôt apparaisse dans toute sa monstrueuse blancheur tel Moby Dick. Oui, dans ce déplacement (La découverte du corps de Saint Marc, Tintoretto) la pieuvre est devenue baleine blanche, est devenue Taj Mahal. Le mur est alors invisible,l’espace du rideau de la salle de théâtre. Finalement, ce qu’on met en scène c’est le regard du spectateur face au tableau qui tourne le dos à la salle vide. Mon tableau a la même relation à la photographie que la salle de théâtre à la galerie : des vieux trucs XIXème. J’avais fait « Pasodoble » avec Nadj ici aux Bouffes du Nord et c’était déjà un détournement, des tours de passe passe. Déplacer le tableau et surtout les gestes du peintre, ses outils… Là, c’est pareil, alors que la peinture, le jeu théâtral, la poésie viennent de loin, d’où on ne meurt pas. À la place de la pièce, le dos du tableau en silence. Pas de texte. Pas de base théorique. Le Taj Mahal c’est comme une immense boule blanche d’un personnage de BD. Muet. Ou comme une énorme méduse phosphorescente (Arthur Gordon Pym). Les lumières aveuglantes d’un camion dans la nuit. Finalement le regard nourrit la peinture, l’enflamme presque. Ça tue. C’est pas grave."
Miquel Barcelò